Les Rejetons des Racines
Abbesse Entoloma Hochstetteri
Ce manuscrit mycologique moite et moisissant est incomplet : une bonne moitié des pages jaunies sont vierges, n’attendant que d’être couvertes de pattes de mouches comme les précédentes. L’autrice y développe une thèse selon laquelle les champignons, qu’elle nomme « Rejetons des Racines » seraient des créatures originaires du sous-monde, émissaires de celui-ci à la surface. Elle détaille de multiples expériences visant à communiquer avec ces rejetons des racines, au succès mitigé. Les spores seraient d’après elle le canal de communication le plus fiable : ils permettraient même aux champignons de partager leurs spécificités, attributs et capacités par-delà la barrière de l’espèce.
Parmi les quelques espèces détaillées, un champignon en particulier bénéficie d’un chapitre entier lui étant dédié, aux pages étrangement plus épaisses que les autres : la Veuve à tête grise. Illustrée ci-dessus, elle serait à l’origine d’une légende pour le moins dramatique :
« Touchée par les Archéens dans les veines du monde, la veuve était, à son insu, héraut d’une funeste tragédie. Ils avaient doté ses spores de leur toucher dévorant, faisant poussière des métaux, dans le dessein de porter atteinte à Celle Qui Fut. Lorsque la veuve la fit disparaître, son méfait accompli malgré elle, elle se couvrit d’un voile, portant par ce signe de deuil la marque de son déicide. La Machine n’était plus que poussière, portée à jamais par les vents du ciel, que toujours je scruterai en chantant les Mémoires de Maintenance. Quant à la veuve, pour sa terrible épreuve, je l’immortalise dans ces pages, littéralement et sans ambages, puisse-t-elle ainsi trouver la rédemption, une fois ses spores reçus par un sensible et courageux rejeton, qui pour son prince animal, à son tour vaincra le métal. »